Il est difficile de dresser un bilan économique global et précis de la présence des prisonniers en France. Militaires décédés au cours de la Seconde Guerre mondiale. D’ailleurs, les prisonniers de guerre livrés par les Alliés représentent tout au plus 70 % des prisonniers détenus. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/88, courrier du ministre du Travail au Ministre du Commerce, de la Reconstruction et de l'Urbanisme, 17 septembre 1945. Comme le redit autrement l’historienne Régine Robin, si l’histoire est « ordonnée à la construction de la vérité », la mémoire l’est « à la construction d’une identité collective »[498]. Bien que dénonçant l’insuffisance des camps français, l’officier ne manque néanmoins pas, lui aussi, d’imputer une partie des problèmes aux Américains. Cette ferveur populaire étonnera le premier membre de l’administration du Régime de Vichy à venir en visite dans la région au cours de l’été 1941[61]. Outre celle du ravitaillement, la question de l’équipement témoigne, elle aussi, de la totale désorganisation de l’administration face à la question des PG. Archives du ministère des affaires étrangères (Paris) (archive citée par Grégory Philippe), Série Y 1947., Courrier du ministère des affaires étrangères au ministère des finances - 8 avril 1946. L’affectation dans les secteurs liés à la reconstruction et au déminage semble constituer, dans le Nord, une autre des priorités après l’extraction charbonnière. Il semblerait néanmoins que cet accord relatif à libération ou à la reconversion anticipées des prisonniers démineurs aient été la source de divergences au sein du gouvernement. Dans la mesure où l’on ne peut admettre la réalité d’une telle productivité, on en déduit que les chiffres du Quai d’Orsay sont erronés, voire fantaisistes. Archives départementales de la Nièvre (Nevers), 999W946, courrier du directeur de l’office départemental de la main-d’œuvre au préfet, 23 octobre 1945. Car si l’on dénonce la sous-alimentation des prisonniers en mains américaines, que dire de la situation en France ? Cet « espoir » de guerre est probablement la résultante de la propagande de Goebbels. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770623/90, Courrier de la direction de la main-d’œuvre étrangère, ministère du travail, au ministère des affaires étrangères, « Rapatriement des travailleurs libres originaires de la zone soviétique dont le contrat arrive à expiration postérieurement au 31/12/48 », 31 août 1948. Comme nous l’avons vu, les Américains interrompent officiellement et définitivement leurs livraisons le 1er juillet 1946. Avec inquiétude on se pose à nouveau la question. Cela explique en grande partie le ressentiment des PG démineurs. Elle instaure la concentration des PG dans les industries prioritaires, et l’on note d’ailleurs que peu après cette date, les effectifs agricoles chutent. C’est le cas des employeurs jugés « non prioritaires » et des agriculteurs, mais aussi de certains ministres. Dans le bassin minier, ces camps étaient au nombre de 6 en février 1948[4]. J-P. Louvet, Op. D’autres témoignages font mention des sévices commis par les militaires français à l’encontre des prisonniers allemands. À titre d’exemple, début 1946, le personnel civil d’un camp minier du Nord-Pas-de-Calais s’offusque de voir les autorités décider de manière arbitraire des prisonniers qui travailleront au « fond »[322]. À titre de comparaison, sont détenus en France, en ce même mois d'octobre 1945, seulement 50 500 prisonniers italiens, 50 000 Autrichiens, 10 000 Hongrois et quelques milliers de Roumains. À l’instar du Comité international de la Croix-Rouge, les États-Unis en viennent rapidement à mettre en cause le principe même de détention. Mais c’est surtout la question des rations alimentaires qui fâche[style à revoir]. La deuxième directive relative aux réaffectations sectorielles de PG, datée du 10 novembre 1947 (C.M. D’après de nouvelles instructions ministérielles datant d’août 1945, une infirmerie doit ainsi être créée dans chaque camp – les malades légers y seront pris en charge – et un lazaret installé dans chaque dépôt. Toutefois, en dépit des craintes manifestées quelques mois plus tôt par le général Buisson, aucun incident ne semble s’être produit à cette occasion. Ce point a été souligné dans le sombre communiqué final des forces armées Allemandes, publié le 9 mai 1945: « Finalement, les forces armées Allemandes ont succombé dans l’honneur à une supériorité énorme. Face à l’hostilité de Londres à l’encontre de ce projet, il semblerait néanmoins que Paris n’ait pas appliqué cette mesure. Outre l’étude des archives et de la presse de l’époque, l’équipe s’est attachée à récolter des témoignages : ceux d’une quinzaine d’anciens prisonniers auxquels s’ajoutent ceux de civils et de militaires français témoins ou acteurs de l’événement. Étant donné le climat de germanophobie ambiante, ces étrangers ne sont pas particulièrement appréciés de la population, on les soupçonnera parfois même d’organiser des filières d’évasions destinées aux PG. À cet égard, le témoignage de deux anciens employés du service administratif du camp de Rennes dédié à la recherche de criminels de guerre parmi les PG est des plus intéressants. Son propos, quoique emphatique et bien qu'il surestime le nombre de prisonniers amenés à travailler et leur durée de détention, permet de se faire une idée de l'état d'esprit qui était alors celui des autorités. Comme le souligne un journaliste, en 1947, le système des travailleurs libres vise à atteindre des « résultats économiquement heureux » mais aussi « démographiquement utiles »[447]. Archives départementales du Nord (Lille) (archive citée Grégory Philippe), 27W38361/1, Courrier du ministère de la guerre au commandant régional des PGA de la. En 1947, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l’URSS décident de fixer au 31 décembre 1948 l’échéance pour le rapatriement de l’ensemble des PGA ainsi que de mettre en place un Conseil de Contrôle[387] réunissant les quatre puissances. Car, rappelons-le, au sortir de la guerre, le problème des mines est crucial en France. Tous ces services sont directement placés sous le contrôle de la direction régionale qui dépend elle-même du commandement militaire de la région. Le chef-lieu de la région militaire du Nord demeure néanmoins situé à Lille. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770623/88, Courrier de M. Guérard, Ministère du Travail, au ministre de l’agriculture, « Habillement des PG », 12 mars 1947. Certes, quelques exemples témoignent d’une amélioration de la situation. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), 770623/85, courrier du ministre de l’Agriculture au ministre du Travail, 16 mars 1947. Les puits sont même inondés[66]. À Metz, Date inconnue, probablement 1946. Philippe Boutté estime qu’une dizaine de milliers de ces « optants » au travail libre abuseront de ce congé pour ne jamais revenir en France. Dès octobre 1945, les autorités avaient décidé de la libération de ces prisonniers non allemands composés essentiellement d'Italiens et d'Autrichiens[377]. Semblablement, comme évoqué au début de l'article, un ouvrage consacré à l’étude des PGA, Geschichte der deutschen Kriegsgefangenen des Zweiten eltkrieges (Vol. Dès lors, la concentration des PG dans les secteurs clés s’impose après une année 1945 durant laquelle, de l’aveu même du Ministre du Travail, « la cadence d’arrivée des effectifs (…) assez irrégulière (…) n’a pas permis une distribution rationnellement organisée suivant les besoins de la production »[271]. La presse régionale se fait souvent l’écho de ces évasions[204] : ainsi, le 3 décembre 1946, Nord-Éclair publie un article intitulé « Entre Baisieux et Mouchin, une vaste organisation favorisait l’évasion et le rapatriement de prisonniers allemands ». L’intérêt pour ces événements était, peut-être, d’autant plus grand qu’à partir des années 1970 et 80, l’historien français s’est vu assigné de facto la mission de juge par l’État, consacrant, par là même, ce dernier comme instance de régulation de la mémoire institutionnelle : « cette demande de prompte justice et de re-mémoration obligatoire non seulement instrumentalise le travail de la mémoire mais le dénature. Accéder au contenu principal. On en a transformés 20 000 ! Dans le Nord, l’impact de cette presse est à la mesure de l’importance de la population ouvrière. Soulignons que cette dernière obligation ne sera au demeurant pratiquement plus appliquée au cours des premiers mois suivant la capitulation allemande[35]. De plus, pour ce qui est de leur situation matérielle, ces PG sont de facto libres de s’octroyer certains suppléments en nourritures : bien que réprimandés, le « vol » des fruits et légumes et la pêche à la ligne contribuent à améliorer d’autant leur quotidien[24]. (…) C’était la fin de mes fonctions comme interprète au service de la Direction Régionale des Prisonniers de guerre ». Il y a d’abord le bilan humain et moral. Les conséquences sanitaires se font sentir : les prisonniers ne cessent de perdre du poids et nombreux sont ceux qui souffrent de vomissements et de diarrhées sanglantes. »[230]. De façon répétée, on entendait un cri qui indiquait que quelqu’un avait été atteint »[129]. Celle-ci s’élève à 1 500 francs par prisonnier évadé[196]. Surtout, le fait que 45 % des travailleurs libres aient été originaires d’Allemagne de l’Est démontre que la crainte du retour jouait pour beaucoup dans la motivation des optants[431]. D’après le témoignage de Johannes Sticker, l’affection des PG dans les commandos ruraux répond à des procédures très souples. Pour preuve, comme le montre le graphique 5, c’est le secteur dont les effectifs décroissent le plus lentement lors des périodes de libérations en 1947 et 1948. Nombreux sont les exemples retrouvés dans les archives. Ainsi, les derniers prisonniers allemands détenus en Europe occidentale perçoivent-ils des dons en espèces, « en vue d’alléger [leur] sort »[26]. Pour une France blessée dans son orgueil, il était alors peut-être difficile de reconnaître qu’elle devait une partie de sa « renaissance » économique à ses anciens ennemis[Interprétation personnelle ?]. De plus, certains, parmi lesquels le général de Gaulle, prônent d’ores et déjà une réconciliation franco-allemande. Néanmoins, les autorités tiennent compte du fait que l’État allemand n’existe plus juridiquement et il est décidé d’octroyer exceptionnellement 10 000 marks pour les officiers et 5 000 pour les sous-officiers et les soldats. Toujours est-il qu’après-guerre, dans les camps de PGA, les autorités françaises s’empressent de mener une chasse aux journaux censurés en procédant, entre autres, à l’interrogation par les gendarmes des employés des mines en contact avec les prisonniers[353]. #15 Un soldat allemand rentre chez lui, mais il n'y retrouve plus sa famille. Le 9 septembre 1944, ce dernier parvient néanmoins à imposer définitivement, en tant que nouveau régime, le GPRF en représentant de manière équilibrée, au sein de son premier gouvernement, toutes les tendances politiques. C’est ici, en nous privant de nourriture au maximum, que les Français recrutaient des volontaires pour la Légion étrangère en promettant de l’argent, la liberté, des vivres à volonté, etc. Quant aux ouvrages généraux consacrés à l’étude de la période, ils ne font que brièvement allusion à la présence de ces Allemands en France. En réalité, Théo Kirtz deviendra « travailleur libre » peu de temps après. Pour ce qui concerne les autres secteurs placés sous le contrôle de l’État ou de l’armée, les informations manquent, mais il est très probable que là aussi, l’indemnité compensatrice n’était pas appliquée. Ainsi, après la mise en place de camps spéciaux, à la légitimité et à la légalité contestables, par une IIIe République agonisante, la République renaît-elle avec d’autres camps, d’une nature et aux fonctions différente certes. Il est probable que ces travaux devraient, par ailleurs, recourir à une approche historique pluridisciplinaire, cet objet d'étude faisant autant appel à l’histoire économique et sociale qu’à l’histoire politique et culturelle. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau, Côte 770623/86, Note du Ministère de la Santé et de la Population, « Emploi des Travailleurs libres », 16 décembre 1947, Archives nationales contemporaines de Fontainebleau, Côte 770623/84, Destinataire et expéditeur inconnus, « Instruction du gouvernement français destiné[e]s aux PGA, non daté (. En premier lieu, la mortalité élevée n’est plus à l’ordre du jour[323]. Archives départementales du Nord (Lille) (archive citée Grégory Philippe), 57W43537/22, courrier du ministre du Travail aux commissaires de la République, aux préfets et aux inspecteurs divisionnaires du travail et de la main d’œuvre, 7 février 1946. On peut penser que dans certains autres commandos industriels, un système similaire a été mis en place. Ils vivent néanmoins séparés des prisonniers. On retrouve le même cas de figure au niveau régional : face aux préfets, aux commissaires de la République et aux directions régionales de la main-d’œuvre – ces dernières sont des antennes du ministère du Travail – le service des prisonniers de guerre a des pouvoirs limités. Pourtant, début février, l’État-major de la Défense nationale ne semble déjà plus l’entendre de cette oreille. Dans le secteur de Calais, on dénombre, à titre d’exemple, près de six morts par mois, principalement des enfants. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770810/2, Courrier du ministère des armées aux directeurs régionaux des PG, 27 novembre 1946. Dès juin 1945 l’État-major annonce ne pas pouvoir affecter à la garde des PG plus de 40 000 hommes dont 35 000 « indigènes », autrement dit des soldats appartenant aux troupes de l’empire colonial. Malgré ces difficultés, les autorités font le choix de faire venir des prisonniers Allemands. Toutefois, aux 6 000 premiers prisonniers à même d’être hébergés dans les dépôts, les représentants français évoquent la possibilité d’en ajouter 24 000 autres qui ne seraient ni hébergés, ni entretenus et gardés directement par les autorités françaises. Les grands procès des années 1980 et 1990 ayant trait à l’occupation, la légalisation sur la terminologie officielle de conflit, la pénalisation des révisionnismes témoignent de cette évolution. Le Comité international de la Croix-Rouge lui-même semble avoir donné son accord à l’utilisation de PG pour le déminage[214], bien que certains hauts fonctionnaires, dont le ministre du Travail, aient reconnu a posteriori qu’elle était contraire aux prescriptions de l’article 32 de la convention de Genève[215]. ». To calculate the overall star rating and percentage breakdown by star, we don’t use a simple average. Viennent aussi les accusations sur la qualité du travail : beaucoup[135] accusent les prisonniers de ne pas travailler correctement et demandent une plus grande fermeté[138], c’est là un autre thème récurrent dans les rapports officiels. Il semblerait néanmoins que des PGA avaient d’ores et déjà été employés à des tâches de déminage avant même la fin de la guerre. Il s’agissait néanmoins de prisonniers volontaires et leur utilisation relevait probablement d’initiatives locales, sans commune mesure avec les opérations d'envergure entreprises par la suite[211]. D’un certain point de vue, on peut faire le parallèle avec le retour des prisonniers français en 1945 : la France pouvait leur sembler indifférente, voire méprisante à leur égard. C’est l’Église catholique dans son ensemble qui tend à désapprouver l’attitude française : le Pape a lui-même demandé la libération de tous les prisonniers au cours d’une allocution, le 1er juin 1946. Plusieurs contingents de cent étaient réduits à 70. Pourtant, en quelques mois, les Français finissent par accepter ces prisonniers allemands qui participent à la reconstruction nationale : « Avec le temps, et les liens du travail, les boches deviennent PG »[155]. Mais c’est une tâche d’une toute autre ampleur qui attend les alliés quelques mois plus tard. On ne pouvait naturellement pas se protéger des ricochets. Dès septembre 1945, face aux trop nombreuses demandes de naturalisation des prisonniers, le ministre de la guerre prie le ministre des affaires étrangères de lui faire savoir quelles réponses il doit leur fournir[339]. Victimes civiles en Normandie. On peut néanmoins supposer que parmi les 50 000 anciens prisonniers demeurés en France en 1949 à l’issue de leur contrat de travail, un nombre non négligeable a pu le faire choix de demeurer définitivement sur le sol français et que, de fait, le chiffre de 30 000 hommes avancé par Egon Greisner n’est pas invraisemblable. Aujourd’hui encore, il n’existe officiellement aucun traité de paix entre la France et l’Allemagne. Condition:--Ended: Nov 29, 2020, 12:49:43 PM EST. Quelques jours plus tôt, le 29 septembre 1945, les autorités américaines ont non seulement décidé de suspendre leurs livraisons mais elles ont également réclamé la rétrocession d’une partie des prisonniers confiés aux autorités françaises. D’aucuns voient en lui un parti d’extrême droite héritier de certaines ligues des années 1930. Le Nord avait déjà subi l’expérience de l’occupation avec la Grande Guerre et c’est peut-être ce qui lui a permis de conserver plus d’espoir qu’ailleurs. De fait, mémoire et identité collectives s’entretiennent l’une et l’autre et par là même, modifient donc mutuellement et constamment le contenu de l’une et de l’autre[499]. À cela s’ajoute la difficulté de prendre en compte les évadés et les rapatriés. À l’évidence, les autorités françaises ne manifestent aucun empressement. Il est signalé, de toutes les subdivisions, que la plupart des employeurs munissent leurs P.G. D’après le Quai d’Orsay, les prisonniers de guerre se répartissent ainsi : un peu moins de six millions aux mains des Américains, 2 millions aux mains des Britanniques et 280 000 en mains françaises[17]. Comme en France, il est probable que l’épisode des PG a indirectement joué, en Allemagne, en faveur du rapprochement franco-allemand. Néanmoins, la tension retombe aussi rapidement que dans le reste du pays à la fin de l’année 1948. Archives nationales contemporaines de Fontainebleau (archive citée par Grégory Philippe), Côte 770623/87, Courier de l’inspecteur du travail de l’Eure, M. Chalifour, au ministre du Travail, « Réclamation du PGE Warning Otto », 8 décembre 1947.